Un nouveau rapport de la FAO tire la sonnette d’alarme sur la pollution plastique des sols agricoles. Des pays africains comme le Maroc ou l’Afrique du Sud n’échappent pas à cette menace.

Si la plupart des recherches scientifiques sur la pollution par les plastiques ont porté sur les écosystèmes aquatiques, les experts de la FAO estiment – dans un rapport publié la semaine dernière – que les sols agricoles reçoivent des quantités bien plus importantes de microplastique. Cette problématique est d’autant plus importante dans les régions et pays où se développe un secteur agricole qui utilise les techniques basées sur des matériaux et dispositifs en plastique. Si plusieurs pays asiatiques semblent particulièrement souffrir de la pollution plastique des sols agricoles, des pays africains comme le Maroc et l’Afrique du Sud ne sont pas épargnés par le phénomène.

Le rapport de la FAO, intitulé « Évaluation des plastiques agricoles et de leur durabilité : un appel à l’action », qui a été présenté lors d’une manifestation tenue en ligne à l’occasion de la Journée mondiale des sols, annonce que la demande mondiale de films plastiques utilisés pour les serres, le paillage et l’ensilage augmentera de 50%, passant de 6,1 millions de tonnes en 2018 à 9,5 millions de tonnes en 2030.

Entre avantages et inconvénients

Les experts de la FAO ne manquent pas pourtant d’évoquer les avantages du plastique en tant que matériau dont les propriétés permettent d’améliorer énormément la productivité. « Les produits plastiques aident à réduire les pertes et le gaspillage de produits alimentaires et à préserver les qualités nutritionnelles des aliments tout au long d’une multitude de chaînes de valeur. Ils contribuent ainsi à améliorer la sécurité alimentaire et à réduire les émissions de gaz à effet de serre », ajoutent les auteurs.

D’un autre côté, les impacts négatifs de la mauvaise gestion des composantes en plastique utilisées dans l’agriculture sont dévastateurs, y compris pour les sols, d’autant plus que « sur les quelque 6,3 milliards de tonnes de plastique produites avant 2015, près de 80% n’ont jamais été éliminées correctement ».

Un communiqué de la FAO ajoute par ailleurs que « les agriculteurs n’ont souvent pas les moyens suffisants pour sélectionner, utiliser et gérer ou récupérer ces produits afin d’éliminer correctement le plastique des champs, et n’ont souvent pas accès aux outils nécessaires pour une bonne gestion de ces produits en fin de leur vie ».

Quid du Maroc ?

Apparues au Maroc dans les années 70, les techniques agricoles utilisant des matières plastiques (culture sous serre, paillage, irrigation goutte-à-goutte, etc.), autrement connus sous l’appellation « plasticulture », sont désormais très répandues à l’échelle nationale. La seule région de Souss-Massa, connue pour les superficies importantes de cultures sous serre, totalise plus de 52% (55.000 tonnes par an) des déchets plastiques d’origine agricole du Maroc.

Cette région a cependant démontré, depuis plusieurs années, son leadership dans l’action contre la pollution plastique des sols en s’attaquant au problème de valorisation des plastiques agricoles en fin de vie. Cette action s’est (entre autres) matérialisée à travers la collaboration entre l’Association Agro Technologies du Souss-Massa (Agro Tech SM) et la Fondation Crédit Agricole du Maroc pour le Développement Durable, dans le cadre d’une initiative régionale de mise à niveau de la filière des plastiques agricoles usagés. Ces efforts sont actuellement en train d’aboutir à la création d’une plateforme collective de valorisation des déchets plastiques agricoles.

« Pas de solution miracle »

De leur côté, les auteurs du rapport publié par la FAO confirment qu’il n’existe pas de solutions miracle contre la pollution plastique agricole surtout qu’il est impossible d’en interdire l’utilisation en absence d’alternatives viables. Le rapport met plutôt en avant plusieurs solutions fondées sur le modèle 6-R (refuser, repenser, réduire, réutiliser, recycler et récupérer).

« Les produits plastiques utilisés dans l’agriculture qui peuvent potentiellement avoir de lourdes conséquences sur l’environnement et qui devraient être ciblés en priorité sont notamment les engrais enrobés au moyen de polymères et les films de paillage qui ne sont pas biodégradables », pointe la FAO qui recommande également aux pays « d’élaborer un code de conduite volontaire qui couvre tous les aspects des matières plastiques tout au long des chaînes de valeur agroalimentaires, et de mener davantage de recherches, en particulier en ce qui concerne les effets des microplastiques et des nanoplastiques sur la santé ».

Oussama ABAOUSS

Repères

Volume croissant des plastiques agricoles
D’après une étude réalisée en 2020, le secteur agricole de la région de Souss-Massa a généré 40.326 tonnes de déchets plastiques agricoles (DPA) en 2013/2014, issus des cultures sous abris-serres. En raison de l’extension continue de ces cultures, le gisement annuel des DPA a été évalué en 2018/2019 à environ 55.532 tonnes, soit une augmentation d’environ 37% par rapport à l’année 2013/2014. Il est estimé que près de 75% de ce gisement échappe aux opérateurs recycleurs implantés dans la région.
La France veut recycler 100% des DPA
Le taux de recyclage des déchets plastiques agricoles en France est estimé à près de 72%. Presque trois fois plus que celui des emballages plastiques ménagers (27%) collectés en France, selon les chiffres récemment publiés par le ministère français de la Transition écologique. En 2020, 85.000 tonnes de plastiques ont ainsi été collectées dans les fermes de l’Hexagone, en progression de 5.000 tonnes, dont près de 90% ont été recyclées. La filière agricole française vise désormais le 100% collecté, voire même le 100% recyclé, en 2030.

L’info…Graphie

Déchets plastiques  : Haro sur la pollution des sols agricoles

Informel

Déchets plastiques  : Haro sur la pollution des sols agricoles
Le plastique agricole face au défi de structuration de la filière de recyclage
Porté par l’Association Agrotech Souss-Massa depuis 2011, l’ambitieux projet de « valorisation des déchets plastiques agricoles » a dû faire face à un obstacle de taille : celui de la structuration de la filière informelle de recyclage des déchets plastiques agricoles dans la région. Un travail de longue haleine a cependant permis d’entamer une dynamique de structuration de cette filière.

Actuellement, les opérateurs structurés emploient 632 personnes tandis que l’informel génère 1.400 postes directs et 2.800 saisonniers. La filière formelle se compose de 14 sociétés de recyclage dont le plus gros de la collecte est acheminé vers Casablanca pour traitement.

À cet écosystème s’ajoutent 11 coopératives (contre une seule en 2017) ainsi qu’un Groupement d’intérêt économique (GIE). À terme, l’objectif escompté est de pouvoir créer une fédération régionale qui permettra de concrétiser le projet de création d’une plateforme de recyclage des déchets plastiques agricoles dans le Souss-Massa.


Souss-Massa

Déchets plastiques  : Haro sur la pollution des sols agricoles
Renforcement des capacités de la filière de recyclage des déchets agricoles
En octobre dernier, un cycle de formation et d’accompagnement des collecteurs-recycleurs des déchets plastiques agricoles a été lancé au centre service formation continue de l’OFPPT Taddart à Agadir. Organisée par l’AgroTech Souss Massa et ses partenaires, cette première session a porté sur le volet «Finance et gestion financière». Le programme prévoit six autres sessions complémentaires pour renforcer les capacités techniques, managériales et fiscales des collecteurs et des recycleurs des déchets plastiques agricoles de Souss-Massa.

À noter qu’une convention de partenariat a été signée entre le département de l’Environnement et l’AgroTech SM (avec l’appui de la wilaya de la région, le Conseil régional et la Direction régionale de l’Agriculture du Souss-Massa) afin de poursuivre la structuration de la filière et le renforcement des capacités des acteurs et d’étudier les scénarios possibles pour la création d’une plateforme de valorisation collective des DPA dans la région.

Pour cela, un appel d’offres a été lancé en juillet dernier par l’Agrotech dans le but de réaliser une étude de faisabilité technico-économique, environnementale et sociale sur les scénarios possibles pour la création de la plateforme. Le projet «Valorisation des déchets plastiques agricoles dans le Souss-Massa» s’étalera sur une durée de 3 ans et intervient dans quatre principales zones : la préfecture Agadir Ida-OuTanane, la province de Chtouka Ait Baha, la préfecture d’Inezgane-Aït Melloul et la province de Taroudant.


3 questions à Zitouni Ould-Dada, directeur adjoint de l’OCB à la FAO

Déchets plastiques  : Haro sur la pollution des sols agricoles
« L’accumulation du plastique dans le sol peut réduire le rendement des cultures »
Directeur adjoint du Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement (OCB) à la FAO, Zitouni Ould-Dada évoque, au micro de ONU Info, les risques liés à la pollution plastique des sols agricoles.

– Quelles sont les conséquences engendrées par la mauvaise gestion des plastiques agricoles ?

– Une mauvaise conception, une mauvaise sélection, utilisation et gestion de cette fin de vie des produits plastiques a des effets néfastes sur les écosystèmes terrestres et aquatiques. Souvent, les plastiques sont abandonnés ou brûlés dans les champs, ce qui entraîne la contamination des sols.

L’introduction des films plastiques biodégradables par exemple apporte également des défis complexes à cause du manque de normalisation de leur efficacité et dégradabilité. On a des données qui proviennent de la Chine par exemple qui ont montré que l’accumulation de plastique dans le sol, jusqu’à 240 kg par hectare, peut réduire le rendement des cultures de 11 à 25%.

– Qu’en est-il des effets engendrés par les microplastiques et nanoplastiques ?

– Il a été démontré que les nanoplastiques peuvent traverser les membranes cellulaires où ils peuvent s’accumuler et altérer la physiologie de la cellule et provoquent des réactions inflammatoires. Certaines études ont également montré que les macro et microplastiques présentent des risques spécifiques pour la santé animale à cause de l’ingestion et la bio amplification (l’augmentation cumulative, à mesure qu’on progresse dans la chaîne alimentaire : NDLR).

– Comment se fait la contamination des sols agricoles par les microplastiques ?

– La contamination des sols par les microplastiques se produit lors de la dégradation des plastiques agricoles, de leur élimination inappropriée et de l’utilisation par exemple d’amendements contaminés. On pense aussi que les sols agricoles absorbent et concernent les polluants organiques persistants. À ce titre, ils présentent probablement des risques – qui ne sont pas encore quantifiés – pour la santé humaine.

Propos recueillis par F.W. pour ONU Info

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