Au cours des 12 derniers mois, la législation relative au secteur de l’énergie au Maroc a connu de nombreux projets de réforme. Ainsi, à la suite du projet de loi modifiant la Loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables, c’est au tour du régime de l’autoproduction de connaître un projet d’amendement.

Le cadre actuel de l’autoproduction se résume à quelques dispositions prévues à l’article 2-2 du Dahir de 1963 portant création de l’Office National de l’Electricité (1) lesquelles ayant été amendées à plusieurs reprises (2) fixant de façon sommaire la possibilité pour des personnes physiques ou morales de produire par leurs propres moyens de l’énergie électrique et ce à leur usage exclusif.

Il est à noter également qu’un ancien texte de 1956 qui n’a pas fait l’objet d’une abrogation (3) prévoit la possibilité d’une production autonome d’électricité réservée aux clients d’un réseau de distribution.

Ainsi, afin d’établir un cadre juridique dédié au régime de l’autoproduction permettant une meilleure visibilité et une plus grande transparence quant aux personnes éligibles à ce régime, aux modalités d’exploitation des installations et le cas échéant de raccordement au réseau, le Ministère de l’Energie, des Mines et l’Environnement a préparé un avant-projet de loi qui a fait l’objet d’une publication sur le site du Secrétariat Général du Gouvernement le 19 novembre 2020 (l’Avant-Projet de Loi).

Le nouveau régime d’autoproduction

  • Définition du statut d’autoproducteur

L’Avant-Projet de Loi définit un autoproducteur comme toute personne physique ou morale de droit public ou privé qui produit de l’énergie électrique exclusivement pour ses propres besoins et qui est le propriétaire de l’installation d’autoproduction ou dispose d’un droit sur cette dernière.

  • Obligation de produire l’électricité pour son usage exclusif

Il ressort de la définition d’autoproducteur que l’énergie électrique produite par ce dernier doit être pour ses propres besoins. Ceci signifie qu’un autoproducteur n’a pas le droit de céder l’électricité autoproduite.

Toutefois, l’Avant-Projet de Loi prévoit la possibilité de vendre l’excédent de la production au gestionnaire du réseau (de transport ou de distribution) et ce dans la limite de 10% de la production annuelle de l’installation d’autoproduction (voir ci-dessous).

  • Propriété des actifs

Le cadre juridique actuel prévoit que l’autoproducteur produit l’électricité « par ses propres moyens ». En pratique, la notion de production par ses propres moyens fait l’objet d’une interprétation restrictive de la part de l’administration qui peut s’opposer à des montages contractuels visant à aménager ce principe.

Pour plus de clarté sur cette notion, l’Avant-Projet de Loi précise que l’autoproducteur doit être propriétaire de l’installation d’autoproduction tout en ouvrant la possibilité de confier à des tiers la construction et / ou l’exploitation et la maintenance de ladite installation par des tiers. De plus, l’Avant-Projet de Loi permet à l’autoproducteur de ne pas être propriétaire du terrain d’assiette de l’installation d’autoproduction en ouvrant la possibilité de se limiter à un droit sur l’installation (usufruit, emphytéose, droit de jouissance).

  • Entités non-éligibles au statut d’autoproducteur

L’Avant-Projet de Loi exclu du statut d’autoproducteur les entités et les opérateurs suivants :

Le gestionnaire du réseau électrique national de transport ; Le gestionnaire du réseau de distribution ; L’Office Nationale de l’Electricité et de l’Eau Potable (ONEE) ; Les producteurs ayant conclu avec l’ONEE des conventions d’achat et de fourniture d’électricité conformément aux dispositions du point 6 de l’article 2 du Dahir n° 1-63-226 du 5 aout 1963 ; MASEN ; et L’opérateur d’une installation de production d’électricité conformément aux dispositions de la Loi n° 13-09.

Ces opérateurs, à l’exception des gestionnaires de réseau, peuvent être qualifiés d’autoproducteurs s’ils sont des clients d’un gestionnaire du réseau électrique sans toutefois avoir le droit de se raccorder au réseau électrique ou de vendre l’excédent de l’électricité produite audit réseau.

Les conditions d’exercice de l’autoproduction

Le régime actuel prévoit la possibilité de réaliser des installations de production d’électricité à des fins d’autoproduction dans la limite d’une puissance installée de 50 MW ou, en cas de raccordement au réseau, pour une installation d’une puissance excédant 300 MW, sous réserve d’en être autorisé par l’administration sans toutefois que les conditions de cette autorisation ne soient prévues par la réglementation actuelle. En pratique, les demandes d’autorisations pour les projets d’autoproduction sont transmises à la Direction des Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétique sans que celle-ci en générale ne statue dans l’attente de la réforme du cadre juridique de l’autoproduction.

L’Avant-Projet de Loi prévoit désormais un nouveau régime d’autorisation pour recourir à l’autoproduction.

Nouveau régime d’autorisation pour recourir à l’autoproduction

Il est à noter que la puissance d’une installation d’autoproduction composée de plusieurs unités est déterminée par la somme de la puissance nominale de chaque unité.

Raccordement au réseau électrique national

Jusqu’à présent, il était possible pour les auto-producteurs de demander le raccordement de leurs installations d’autoproduction au réseau électrique national à condition que la puissance des installations d’autoproduction soit supérieure à 300 MW qui de fait limite la possibilité d’une production décentralisée soit aux gros consommateurs soit aux autoproducteurs prêts à prendre en charge la construction de leurs propres réseaux.

L’Avant-Projet de Loi octroie la possibilité aux autoproducteurs de se raccorder au réseau électrique national afin de relier leurs installations de production à leurs sites de consommation à condition que la puissance de l’installation soit au moins égale à 5 MW et ce dans la limite de la capacité d’accueil du réseau national. Ce raccordement nécessite que l’opérateur s’acquitte du montant des timbres de transport relatifs au réseau de transport et, le cas échéant, du réseau de distribution ainsi que des frais dus au titre des services systèmes. Ces montants seront fixés par l’Agence Nationale de Régulation de l’Electricité.

L’Avant-Projet de Loi prévoit par ailleurs une obligation pour l’autoproducteur souhaitant se raccorder au réseau l’installation d’un compteur intelligent selon les spécifications techniques prévues par le texte.

Possibilité pour l’autoproducteur de construire son propre réseau

Le régime juridique actuel ne prévoit pas de cadre juridique pour le transport de l’électricité du site de production au site de consommation en dehors du raccordement au réseau électrique national.

L’avant-Projet de Loi permet quant à lui à l’autoproducteur, après avoir été autorisé par l’administration, de construire son propre réseau électrique reliant le site de production au site de consommation et ce à ses propres frais. Dans ce cas, l’autoproducteur n’est pas autorisé à se raccorder au réseau électrique national.

Vente de l’excédant

Dans le régime juridique actuel, tout excédant de production dans le cadre d’un projet d’autoproduction, doit être vendu exclusivement à l’ONEE sans qu’un texte légal ou réglementaire ne précise le volume ni le prix de rachat par l’ONEE.

L’Avant-Projet de Loi prévoit que l’excédent de la production peut être injecté au réseau électrique national au bénéfice du gestionnaire de ce réseau et ce dans la limite de 10% de la production annuel de l’installation d’autoproduction. Le montant des tarifs de l’achat de l’excédent sera fixé par l’Agence Nationale de Régulation de l’Electricité.

Conclusion

Les dispositions de l’Avant-Projet de Loi viennent renforcer le cadre juridique actuel relatif à la production électrique et s’inscrivent dans la stratégie énergétique nationale visant à augmenter la quotepart de l’électricité dans le mix énergétique. Il est à noter toutefois que pour que ce texte trouve sa pleine application, il doit être adopté conjointement avec l’ensemble des textes réglementaires nécessaires.

(1) Dahir n°1-63-226 du 5 août 1963 portant création de l’Office national de l’électricité (ONE), publié au bulletin officiel n° 2650 en date du 9 août 1963

(2) Dahir portant loi n° 1-73-201 du 5 chaoual 1397 ( 19 septembre 1977 ) modifiant et complétant le dahir n° 1-63-226 du 14 rebia I 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité ; Décret loi n° 2-94-503 du 16 rabii Il 1415 ( 23 septembre 1994 ) modifiant le dahir n° 1-63-226 du 14 rabii I 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité ; ; Dahir n° 1-94-434 du 18 chaabane 1415 ( 20 janvier 1995 ) portant promulgation de la loi n° 38-94 portant ratification du décret-loi n° 2-94-503 du 16 rabii Il 1415 ( 23 septembre 1994 ) modifiant le dahir n° 1-63-226 du 14 rabii I 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité ; Dahir n° 1-02-01 du 15 kaada 1422 ( 29 janvier 2002 ) portant promulgation de la loi n° 28-01 modifiant et complétant le dahir n° 1-63-226 du 14 rabii I 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité ; Dahir n° 1-06-168 du 30 chaoual 1427 ( 22 novembre 2006 ) portant promulgation de la loi n° 28-05 complétant le dahir n° 1-63-226 du 14 rabii 1 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité ; Dahir n° 1-08-97 du 20 chaoual 1429 ( 20 octobre 2008 ) portant promulgation de la loi n° 16-08 modifiant et complétant le dahir n° 1-63-226 du 14 rabii I 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité ; Dahir n° 1-15-77 du 14 ramadan 1436 ( 1er juillet 2015 ) portant promulgation de la loi n° 54-14 modifiant et complétant l’article 2 du dahir n° 1-63-226 du 14 rabii I 1383 ( 5 août 1963 ) portant création de l’Office national de l’électricité et l’article 5 de la loi n° 40-09 relative à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable 

(3) Arrêté du Ministre des travaux publics du 14 avril 1956 réglementant la production autonome d’énergie électrique, publié au bulletin officiel n° 2277 du 15 juin 1956

SAAD EL MERNISSI – PARTNER – DLA PIPER CASABLANCA & YOUSSEF TORK – COLLABORATEUR – DLA PIPER CASABLANCA 

Proposé par DLA PIPER

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